Henri Lindegaard :
Les psaumes du pèlerin


À gauche, un dessin inédit d'Henri Lindegaard, à droite, "PS 128" (3) dans Les Psaumes du Pèlerin

À sa mort, Lindegaard laissa une série d'illustrations des psaumes dits "des montées" pour accompagner Les Psaumes du pèlerin (Réveil Publications, 1998). En plus des dessins, la présentation des psaumes dans cet ouvrage inclut leur traduction de l'hébreu par le pasteur et écrivain Daniel Bourguet et ses commentaires, ainsi que leur mise en chant par le pasteur et poète Roger Chapal (1912 - 1998).
Les dessins illustrant Les Psaumes du pèlerin ont tous été reproduits dans divers ouvrages ou sur Internet - Chaque reproduction est identifiée par un numéro de référence, avec les références en bas de page, de la plus récente reproduction à la plus ancienne (cliquez sur l'une des images pour activer le diaporama).
L'architecte et écrivain nantais Olivier Tric (1936-2024) a commenté les dessins de Lindegaard qui illustrent Les Psaumes du pèlerin. Son texte est accompagné des dessins auxquels il fait référence, présentés de gauche à droite dans l'ordre de leur citation (cliquez sur l'une des images pour activer le diaporama).
On sent l'influence de la peinture de Gleize, mais Lindegaard ne perd pas sa personnalité. Il s'émancipe de son influence et prend finalement son envol tout à fait personnel dans les dessins où dialoguent le noir avec le blanc ; et au fur et à mesure de la progression de son travail, il arrive que les formes blanches prennent le pas sur les formes noires pour former une magnifique conjonction de sens ("PS. 134").
Je ne connaissais pas le livre des Psaumes du pèlerin ; la science de la composition des différentes œuvres me stupéfie ("PS. 130" et "PS.134"), en particulier l'inclusion de figures autres dans la figure centrale. Cette découverte stylistique me semble une invention majeure dans le travail de Lindegaard : "Ps. 125" et de façon encore plus manifeste dans la carte "À la tour de Constance".
Pour "PS. 134" (premier de la série ci-dessus), Bourguet signale un auto-portrait de Lindegaard tout en bas du dessin (en blanc, tête de dos et mains levées).


Voici, pour ajouter au commentaire de Tric, deux autres dessins, tirés de La Bible des contrastes, qui incluent, comme les deux derniers de la série précédente, des figures autres dans la figure centrale : à gauche "Une voix dans le désert", où la figure du Christ est imbriquée dans celle de Jean-Baptiste, apparaissant sous son bras gauche ; à droite, "Dans sa main", des figures sont insérées dans la paume d'une grande main, dont le petit doigt et le pouce tracent en même temps une partie des silhouettes des deux figures de chaque côté.
Ci-dessous sont présentés quelques exemples de psaumes avec leur traduction par Daniel Bourguet à gauche, le dessin au centre, et l'interprétation qu'en a fait Bourguet à droite.
Psaume 121 (1A, 3, 6)
Je lève les yeux vers les montagnes : D'où le secours me viendra-t-il ?
Le secours me viendra du Seigneur, Qui a fait les cieux et la terre.
Qu'il ne laisse pas broncher ton pied,
Qu'il ne sommeille pas, ton gardien.
Non! Il ne sommeille ni ne dort
Le gardien d'Israël.
Le Seigneur est ton gardien,
Le Seigneur est ton ombrage à ta main droite. Durant le jour, le soleil ne te frappera point,
Ni la lune, durant la nuit.
Le Seigneur te gardera de tout mal; Il gardera ta vie. Le Seigneur gardera ton départ, ton arrivée, Dès maintenant et pour toujours.
Psaume 124 (3. 4)
... Sans le Seigneur qui était pour nous,
Quand des hommes se dressèrent contre nous,
Alors ils nous avalaient tout vivants
Dans le feu de leur colère contre nous ; Alors les eaux nous submergeaient,
Un torrent passait sur nous ;
Alors passaient sur nous
Les eaux impétueuses.
Béni soit le Seigneur,
Qui n'a pas fait de nous la proie de leurs dents !
Comme un oiseau, nous avons échappé du filet des chasseurs :
Le filet s'est rompu, nous avons échappé. Notre secours est dans le nom du Seigneur,
Qui a fait les cieux et la terre.
Psaume 125 (3)
Ceux qui font confiance au Seigneur Sont comme la montagne de Sion :
Elle ne chancelle pas,
Elle demeure à toujours.
Jérusalem, des montagnes l'entourent, Ainsi le Seigneur entoure son peuple
Dès maintenant et pour toujours. Jamais le sceptre du malin ne reposera sur la part des justes,
De peur que les justes ne tendent leurs mains vers une idole. Sois bon envers les bons, Seigneur, Et les hommes au cœur droit. Mais ceux qui penchent vers des voies tortueuses Le Seigneur les emporte avec ceux qui font le mal. Paix sur Israël !
Psaume 126 (3)
Quand le Seigneur ramena tous les déportés de Sion,
Nous étions comme en rêve.
Alors notre bouche était pleine de rires
Et notre langue de chants de joie.
Alors on disait parmi les nations :
«Le Seigneur a fait des merveilles avec eux !»
Le Seigneur a fait des merveilles avec nous ;
Nous sommes dans l'allégresse.
Ramène, Seigneur, nos déportés,
Comme des ruisseaux dans le désert. Ceux qui dans les larmes ont semé
Moissonneront dans la joie.
Il s'en va, il s'en va en pleurant,
Portant un sac de semence ;
Il s'en vient, il s'en vient dans la joie,
Portant ses propres gerbes.




Il est à noter que ce dessin illustre l'interprétation christologique que Lindegaard fait de certains textes de l'Ancien Testament (voir le commentaire de Bourguet à droite, ainsi que la page Parcours de ce site).
Dans le dessin d'Henri Lindegaard, le psaume se déploie et s'offre pour la méditation. Que sera le chemin dont les lacets inquiètent ?
Mais voilà qu'en surplomb une main se profile et se tend pour donner protection et bénédiction. Le soleil et la lune lui sont même soumis. Dès lors le chemin en lacets n'est plus à redouter : il est la trace que laisse Dieu, ce Dieu qui déambule au cœur de son jardin, passant d'un arbre à l'autre pour en goûter les fruits et en donner aussi à l'ami pèlerin, dont il se fait le compagnon. À l'ombre de Dieu, le chemin se fait lumière.
Si l'orgueilleux lève les yeux, son regard est un défi. Mais quand l'humble lève les yeux, son regard est prière et Dieu lui-même le bénit.
Du foisonnement d'images de ce psaume, Henri Lindegaaard a tout retenu, en prenant soin d'éviter toute confusion sur l'identité des adversaires du pèlerin. Les ennemis vaincus n'ont que figure d'hommes ; les silhouettes humaines ne sont qu'en toile de fond, laissant la place en premier plan à ce crocodile à langue de vipère, qui n'est autre que la puissance du mal, le véritable ennemi.
Henri Lindegaard a retenu toutes ces images foisonnantes, mais il les a écartées, pour laisser l'indicible dans un trait de lumière, où se dit en silence l'émerveillement de l'homme, seul en sa fragilité avec celui qui l'a sauvé.
Dans sa méditation de peintre, Henri Lindegaard a retenu de Dieu ses mains. De ses mains créatrices, Dieu a façonné la ville ; il en a dessiné chaque ruelle et bâti chaque maison. Il la porte et il l'habite à travers chacun de ceux qui font le bien, ces hommmes droits jusqu'au fond de leur cœur. Ainsi brille la ville de la clarté de Dieu. De son autre main, Dieu emporte avec tristesse ces hommes au visage assombri, ceux qui se sont penchés au pied de quelque idole et qui s'en vont, en faiblissant, sur un chemin tordu aux couleurs des ténèbres, alors que sur la villle se lève le soleil. Mais, les uns comme les autres sont dans les mains de Dieu.
Henri Lindegaard a délibérément laissé le pèlerin. Il a réduit le peuple des déportés au rang de miniatures sur un coin d'une gerbe, pour ne garder du Psaume que ce grand inconnu qui sème et qui moissonne. Et puis, secrètement, le peintre fait apparaître, derrière le semeur, une croix, comme en creux, dans une lumiere silencieuse qui fait ressortir le semeur, dont l'identité se révèle soudain.
Pareillement, le moissoneur s'avance en contre jour, dans un encadrement qui dessine l'ouverture d'un tombeau en creux, dont sort le moissonneur en majesté, inondé de lumière. C'est lui qui ramène sur ses épaules tous les déportés de Sion. Merveilleuse audace du peintre ! Là est le contemplatif qui entre par l'entrebaillement du texte dans la profondeur du mystère de Dieu.
Références des reproductions - de la plus récente à la plus ancienne, avec le contexte indiqué en gras
: prédication, bulletin paroissial, livre, notice, affiche, etc. Cliquez sur les éléments soulignés pour accéder aux reproductions.
(1) Bulletin paroissial, Consistoire protestant de Drulingen (Bas-Rhin), En attendant,
n. 220, mai-sept 2024, p.11 - "PS.134"
(1A) Bulletin paroissial : Éric Perrier, Église
Protestante Unie de Saint-Nazaire et Littoral (Loire-Atlantique), avril 2022 - "PS. 121"
(2) Prédication en ligne, Église protestante unie du Bergeracois, Bergerac (Dordogne), 26 novembre 2020, 9:01-10:03 - "PS.130"
(3) Illustrations de culte, Église réformée d'Aix-en- Provence (Bouches-du-Rhône), 10 mai 2020 : "PS.127" - 5 août 2017 : "PS.134" - 22 août 2016 : "PS.121", "PS.128", "PS.129", "PS.130", "PS.131", "PS.133", "PS134", dessin de couverture - 18 août 2016 : "P.S.126" - 17 août 2016 : "PS.124", "PS.125" - 15 août 2016 : "P.S.122", "PS.123", 4 mars 2016 : "PS.121" - 3 mars 2016 : dessin de couverture
(4) LIvre de culte, Temple Neuf (Strasbourg), Respire, 2019, p. 260 : "PS.124" - p. 318 : "PS.130"
(5) Affiche, Maison du Protestantisme, Nîmes (Gard), décembre 2018 - "PS.131"
(6) Annonce de lecture biblique, Église protestante unie de Vosges-Meurthe, 2018 - "PS.121"
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